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  • Photo du rédacteurLaure Solelhac

Le forfait annuel en jours dans la branche HCR (Hôtels-Cafés-Restaurants)

Dernière mise à jour : 22 nov. 2023

Le forfait annuel en jours est largement utilisé dans les hôtels et restaurants en raison de sa flexibilité et de son adéquation aux besoins organisationnels de ce secteur d'activité.


Cependant, les entreprises doivent veiller à respecter scrupuleusement les conditions nécessaires à la validité et à la mise en œuvre du forfait jours afin d'éviter tout risque de nullité ou d'inopposabilité.


I/ CONDITIONS DE VALIDITÉ DU FORFAIT ANNUEL EN JOURS DANS LES HCR


1) Conclure un accord d’entreprise complétant l’accord de branche


Selon l'article L.3121-63 du Code du travail, la mise en place du forfait annuel en jours doit être prévue par un accord collectif d'entreprise, à défaut par une convention ou un accord de branche.


La branche HCR dispose d'un tel accord : l'avenant n°22 bis du 7 octobre 2016.


Cependant, cet avenant a été étendu à la condition qu'un accord d'entreprise vienne compléter certaines dispositions pour assurer une application sécurisée de ce dispositif.


=> Un rapide retour sur la chronologie des évènements


- Le 7 juillet 2015, la Cour de cassation décide que les dispositions de l'accord de branche HCR du 13 juillet 2004 ne garantissent pas une charge de travail raisonnable pour les cadres au forfait jours. (Cass. soc. 7 juillet 2015, n° 13-26.444).


En conséquence, les conventions de forfait en jours basées sur cet accord sont nulles.


- Le 16 décembre 2014, les partenaires sociaux concluent, en prévision de la position de la Cour de cassation, l'avenant n°22.


- Le 29 février 2016, cet avenant est étendu, mais des réserves sont émises par le Ministre concernant les modalités de suivi de la charge de travail.


- Le 7 octobre 2016, un nouvel avenant n°22 bis est conclu pour prendre en compte les réserves émises. Il entre en vigueur le 1er avril 2018.


Mais le Ministre émet encore des réserves !


Il valide les articles 2.2 (relatif au mode de décompte des jours travaillés) et 2.4 (relatif au temps de travail), à condition qu’un accord d’entreprise complète ces dispositions concernant plus spécifiquement :

  • La prise en compte des absences, ainsi que des arrivées et départs en cours de période, dans la rémunération des salariés au forfait jours ;

  • La mise en œuvre du droit à la déconnexion (néanmoins, une charte de l’employeur suffit sur ce point)

A ce jour, les entreprises de la branche HCR appliquent donc l’avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 mais doivent, si elles souhaitent sécuriser leurs forfaits annuels, conclure un accord d’entreprise prévoyant, a minima, des dispositions concrètes relatives aux deux points cités ci-dessus.


Rappel : même les petites entreprises dépourvues de délégué syndical peuvent conclure un accord d’entreprise. En fonction de leurs effectifs et de leurs situations, elles pourront soumettre le projet d’accord par référendum aux salariés, négocier avec le CSE ou avec un salarié mandaté par une organisation syndicale (Articles L. 2232-21 et suivants du Code du travail)


2) S’assurer que les salariés sont éligibles au forfait annuel en jours


Les conventions de forfait annuel en jours ne peuvent être établies qu'avec des salariés :

  • Relevant du statut cadre niveau V de la grille de classification HCR, disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ;

  • Bénéficiant d’une rémunération moyenne mensuelle sur l’année qui ne peut être inférieure au plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS).

En l’absence de précision dans la convention collective HCR, le calcul de la rémunération minimale doit inclure, selon nous, l’ensemble des éléments de rémunération tels que salaire de base, avantages en nature, prime d’objectif, etc.


3) Conclure une convention individuelle de forfait annuel en jours


Afin de bénéficier du régime du forfait jours de manière valide, il est nécessaire de conclure avec chaque salarié concerné une convention individuelle de forfait annuel en jours, précisant notamment :

  • La nature des fonctions qui justifient le recours à cette organisation ;

  • Le plafond de jours travaillés inclus dans ce forfait (qui ne peut être supérieur à 218 jours sur une période de 12 mois, journée de solidarité inclue)

Cette convention peut prendre la forme d’une clause dans le contrat de travail ou d’un avenant au contrat.


4) Conséquences du non-respect des conditions de validité : le forfait-jours est nul


Si les conditions préalablement énoncées ne sont pas respectées, l'employeur s'expose au risque de nullité de la convention de forfait jours conclue avec le salarié.


Concrètement, cela signifie que le forfait jours est réputé n’avoir jamais existé. Par conséquent, les règles de droit commun en matière de durée et temps de travail s’appliquent.


Le salarié pourrait alors réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées au cours des trois dernières années, avec les majorations et les compensations en repos qui en découlent (sous réserve de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures réclamées).


De son côté, l’employeur pourrait solliciter le remboursement des jours de repos supplémentaires dont le salarié a bénéficié (parfois appelé « RTT » ou « JRTT » dans les entreprises).


II/ LE RESPECT PAR L’EMPLOYEUR DE LA MISE EN ŒUVRE DU FORFAIT ANNUEL EN JOURS


Au-delà de s’assurer de la validité du forfait annuel en jours, les hôteliers et restaurateurs devront également veiller à respecter, tout au long du contrat de travail, les dispositions de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, ainsi que celles éventuellement prévues par l'accord d'entreprise et la convention individuelle de forfait en jours.


1) Respecter les stipulations des accords pendant l’exécution du contrat de travail


Les hôtels et restaurants doivent notamment respecter les règles suivantes, énoncées dans l’avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 :


- Mise en place d’un système de suivi du temps de travail (feuilles de temps, GTA, etc.) faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées par le salarié, les repos et congés, le nombre de jours de repos au titre de la réduction du temps de travail pris et ceux restant à prendre.


Ce document est rempli par le salarié, sous la responsabilité de l’employeur.


- Organisation une fois par an d’un entretien avec le salarié afin de discuter de l’organisation du travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.


Le salarié peut demander un deuxième entretien, que l'employeur ne peut refuser.


- En plus de ces entretiens obligatoires, l'employeur doit régulièrement s'assurer que la charge de travail du salarié est raisonnable. Il doit notamment veiller à ce que la charge de travail soit compatible avec le respect des temps de repos quotidiens (11 heures) et hebdomadaires (35 heures).


- Respect du droit à la déconnexion du salarié durant ses jours de repos, jours fériés non travaillés et congés payés.


Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours. (Cass. soc. 19 décembre 2018, n° 17-18.725 ; Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 4 mai 2023, n° 21/00113)


Il est donc recommandé aux hôteliers et restaurateurs de conserver tous les documents leur permettant de prouver le respect des obligations précitées : documents de suivi des temps de travail, les entretiens annuels de suivi, etc.


2) Conséquences du non-respect des clauses de l’accord collectif : le forfait-jours est « privé d’effet » / inopposable au salarié


Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le non-respect par l'employeur des dispositions de l'accord collectif relatives à la sécurité et de la santé des cadres au forfait jours ne conduit pas à sa nullité.


La convention de forfait jours est simplement « privée d'effet » (Cass. soc. 22 juin 2016, n° 14-15.171 ; Cass. soc. 2 juillet 2014, n° 13-11.940)


Contrairement à la nullité, cette situation peut être rectifiée. Une fois les manquements corrigés (par exemple, si l'employeur rétablit l'organisation de l'entretien annuel obligatoire), la convention de forfait jours reprend tous ses effets.


En conséquence, le salarié ne peut réclamer le paiement de ses heures supplémentaires que pour la période durant laquelle les manquements ont été constatés (et non nécessairement les 3 dernières années).


De même, l'employeur pourra demander le remboursement des jours de RTT sur cette même période. (Cass. soc. 6 janvier 2021, 17-28.234)





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